🇨🇷Montezuma... pura vida?

Après Quepos/Manuel Antonio, ses plages, ses fruits juteux et sucrés, je suis convaincu que la côte Pacifique est plus sympa que la côte caraïbe, alors j’ai envie d’y rester.

Un Français que j’ai rencontré m’a dit que finalement c’était un peu comme en France - les Caraïbes c’est la Méditerrannée, et le Pacifique c’est l’Atlantique. Pas besoin de préciser où c’est le mieux ;)

Je mets donc le cap sur la péninsule de Nicoya, au nord-ouest du pays. Apparemment il y a là-bas un endroit, appelé Montezuma, qui - je cite le Lonely Planet - est un “village charmant”, avec une “atmosphère relaxée” et de “magnifiques plages sans fin”. Pour ne rien gâcher il semblerait y avoir une foultitude d’“hôtels bon marché”. D’accord, je signe où? En route!

p1020550.jpg J’entame donc la fameuse combinaison bus/taxi pour me retrouver un paquet d’heures plus tard au terminal maritime de Puntarenas, une ville curieusement située sur une péninsule et qui fait tout au plus quelques centaines de mètres de large sur plusieurs kilomètres de long. L’idée est de prendre le ferry pour traverser le golfe de Nicoya par la mer, plutôt que de le contourner par la terre (ce qui n’est de toute façon pas possible vu que la route s’arrête à un moment, mais ce n’est pas vraiment le sujet).

p2104369.jpg Donc voilà, le ferry s’ébranle dans un hurlement de sirènes, un petit vent sèche les 3 litres de sueur qui se sont amassées sur mon t-shirt pendant les 5 minutes que j’ai passées au soleil pour monter sur le pont, la mer est belle et le ciel est bleu. What else? Une heure plus tard, j’arrive à Paquera, de l’autre côté du golfe. J’évite habilement les habituels chauffeurs de taxi relous et je m’infiltre en fourbe par la porte arrière du bus, histoire de ne pas passer les deux prochaines heures debout: la route est plus un chemin de terre qu’autre chose, et il n’y a évidemment pas assez de places assises pour tout le monde.

Deux heures plus tard, je suis à Montezuma. Le bus se gare sous un cocotier sous la plage, wouhou, tout va bien. Je récupère mon sac et je me mets en quête de ces fameux hôtels bon marché… Alors ce qu’il faut savoir c’est que Montezuma c’est un village. Genre pueblito , comme on dit ici - et encore ce serait exagéré. Deux rues en terre qui se croisent, une bouche d’égout, l’indispensable terrain de foot à l’herbe toute pelée… et vingt-trouze mille gringos qui se baladent avec des coups de soleil / des tongs / une planche de surf / un chapeau débile / une guitare où il manque deux cordes / un pack de bières (entourez la ou les bonnes réponses, trois choix maximum).

p2094367.jpg L’avantage, c’est que sorti de la bouche d’égout et du terrain de foot, le reste c’est hôtel / restaurant / cybercafé / supermarché / magasins de bidules handicraft roulés sous les aisselles que si t’en achètes un tu sauves trois singes et on met une nouvelle bouche d’égout / location de scooters-quad-vélo / agence d’excursions (ntourez la ou les bonnes réponses, pas de limite). Je ne devrais donc pas avoir trop de mal à trouver mon bonheur… Seulement voilà: les rares hôtels corrects sont pleins, et les autres sont soit vraiment chers soit vraiment pourris. Je finis donc par me rabattre sur une chambre pour laquelle je paierai pour 2 personnes, vu que c’est un lit double. Heureusement qu’il n’y a pas de supplément pour le massage gratuit par les ressorts qui dépassent du matelas, sinon ça sortirait de mon budget. Le gérant n’a pas l’air de vraiment vouloir faire tourner son business, et à 20h il ferme la cuisine. D’une certaine façon ça m’arrange vu que ma fenêtre donne directement sur l’évier, ça devrait limiter le bruit.

Le lendemain soir après dîner, je m’arme d’une grande bière et je file m’installer sur la plage pour une séance de réflexion. Est-ce que je me décide à mettre les voiles dès demain? Ce serait dommage, après avoir fait tout ce trajet… Mais ça ne sert à rien de rester ici juste pour rester. Ahlala, quel terrible dilemne. Et puis il y a ce mec qui arrête pas de venir me proposer de l’herbe, ça commence à devenir agaçant. Oh, et puis tiens, à la troisième fois qu’il revient, je décide de me laisser happer par la spirale infernale de la drogue et je lui prends de quoi me faire un joint. Après tout, foutu pour foutu… C’est là que je me rends compte que le type en question est le patron de l’hôtel de la nuit d’avant - pas étonnant qu’il soit pas motivé à louer des chambres, ça rapporte sûrement plus de vendre de la beuh aux touristes de passage.

Donc je suis là, sur la plage, à fumer mon herbe en buvant une bière et en ressassant ces mauvaises pensées. J’ai changé d’hôtel - celui où je suis maintenant est moins cher, n’a pas Internet ni de cuisine, mais j’ai un magnifique spécimen de cafard d’au moins 5 centimètres sur une plinthe. Le Costa Rica commence sérieusement à me taper sur les nerfs: entre leur manie de fixer les prix en dollars US puis de convertir avec un taux de change miteux pour obtenir le prix en monnaie locale, les Américains oh-my-god- it’s-awesome , les faux amateurs de nature et d’écotourisme qui se baladent en voiture de location plutôt que d’utiliser les transports en commun parce que “oui ça pollue plus mais y’a pas besoin de se lever tôt pour prendre le bus”, les plats de riz-haricots à 5$, et les Ticos qui te balancent du “pura vida” à tour de bras alors qu’ils sont en train de te vendre une pomme à 1$ ou de t’arnaquer sur le prix du ticket de bus, ça commence à bien faire. La frontière avec le Nicaragua est pas si loin, et si je veux demain je pourrais être sorti du pays. C’est tentant.

p2094363.jpg Et là, tout d’un coup, perdu dans mes pensées, je remarque une sorte de truc orange dans le ciel. Ma première réaction a été, boudiou, la drogue c’est vraiment de la merde, mais ensuite j’ai réalisé qu’en fait c’était juste la pleine lune qui était en train de se lever. Donc je suis là, sur la plage, à fumer mon herbe en buvant une bière (c’est bien, y’en a qui suivent). Finalement, je ne suis pas si mal - assis, peinard, avec d’un côté le bruit du vent dans les palmiers et de l’autre celui des vagues sur le sable. J’ai passé une bonne partie de l’après-midi à nager et faire des plongeons dans une cascade au milieu de la forêt tropicale; je suis en train de regarder un lever de lune superbe; il y a deux jours je faisais une sieste sur une plage magnifique après avoir vu des chouettes animaux; il y a quatre jours je me promenais sur le cratère d’un volcan encore en activité; et si je veux, demain, je peux être dans un autre pays. Pendant ce temps là j’en connais des qui se pèlent par -15°, et en plus ils ont même pas de cafard dans leur chambre. Bande de nazes. ;-)

C’est là que je me suis dit que j’étais quand même devenu un peu difficile. Quand on voyage, il y a des bons moments et des mauvais moments. Et comme dans la vraie vie, il suffit de pas grand chose pour transformer un mauvais moment en bon moment, et vice-versa. Comme par exemple un chouette paysage, une rencontre avec une personne sympathique, un bon repas sans riz ni poulet, une bière fraîche après un long voyage en bus… Ou une armée d’Américains qui viennent prendre en photo la lune avec leurs iPhone pour poster sur Facebook oh-my-god-it’s-so-cool. Par exemple.

Ah, et puis, ami lecteur, laisse moi t’en narrer une bien bonne. Depuis que je suis au Costa Rica, j’ai rencontré un paquet de débiles. Pas du débile de bas de gamme, non, non. Du bon gros chtarbé qui envoie du lourd… Le premier, ou plutôt la première, ça a été cette Américaine à Manuel Antonio, qui prenait des cours de yoga pour devenir prof de yoga aux Younaïtide Stéytes. Parce que tu comprends, finalement, le secret c’est de se sentir en harmonie avec la nature par la respiration (et hop, elle tire sur sa clope). Parce que tu vois, au Costa Rica (pura vida!) la nature est belle et il faut la protéger (en écrasant ladite clope sur un rocher). Et d’ailleurs, je trouve que ce parc national et ben il est trop touristique et les gens ils viennent ici et ils profitent même pas de la nature, donc je vais bientôt quitter cette région pour aller à Tamarindo (NDLR: Tamarindo, c’est la plage du Costa Rica où il y a plus de touristes que de grains de sable au mètre carré).

Je passe sur le gars bizarre à Quepos qui mélangeait un peu tout et n’importe quoi - tellement qu’à la fin je savais pas s’il était suprêmement intelligent ou vraiment stupide. Ça serait long à expliquer, mais en tout cas je me suis étonné moi même d’être capable de subir une telle conversation sans avoir envie de le jeter dans la piscine.

Ensuite, j’ai rencontré cet autre type, à Montezuma. Un Américain à casquette. C’était le soir, j’étais peinard sur la plage à regarder les étoiles et il est venu me taper des cookies. Il m’a dit qu’il en avait marre du Costa Rica - que lui il avait grandi ici mais que tout le monde le considérait comme un Américain pur jus et que c’était vraiment pas cool. Du coup ça lui faisait un max de bad vibes et qu’il aimerait bien partir. D’un autre côté il a loué une chambre pour un mois chez une dame qu’il connaît bien et qui fait partie de la meilleure famille du village donc il veut pas avoir de problèmes. Parce que les gens ici ils ont vraiment des bad vibes, tu comprends? D’ailleurs ce soir il est vraiment en mode bad vibes et il voudrait juste parler à personne et être tranquille, tu vois? Et ensuite il m’a monologué ses bad conneries pendant presqu’une heure sans que je ne dise un seul mot.

Et ensuite, le meilleur pour la fin… Ça s’est passé après Montezuma, donc c’est pas très logique d’en parler maintenant, mais après tout c’est mon blog alors je fais ce que je veux. À Santa Elena, donc, je venais juste de m’installer dans mon auberge quand j’ai repéré une espèce de tarée derrière moi. De celles qu’on remarque tout de suite, avec trois écharpes autour du cou et un mini-short sur les jambes, qui essaye de parler espagnol mais qui arrive pas à aligner deux mots correctement - et avec un accent à couper au couteau, façon machette de guerillero colombien. J’me comprends. Bref, la nana se pointe et fait le check-in, et demande ce que c’est que cette espèce de machin en métal qui est devant l’auberge. Parce que moi je suis allergique aux radiations, t’as vu, donc si c’est une antenne et ben y’a pas moyen que je dorme là. Alors que je me demandais si ce serait vraiment malpoli de lui dire que dans ce cas elle ferait mieux de dormir ailleurs pour pas prendre de risque, tadam!… vas-y qu’elle dégaine - je te le donne en mille - un appareil à mesurer les radiations. Eh ouais. Bon, elle a tripatouillé son truc, il a fait bip-bip deux ou trois fois et elle a du conclure que c’était bonnard vu que quelques heures plus tard en allant me coucher je l’ai retrouvée dans mon dortoir.

Mais non, ça aurait été trop simple. Alors que je suis en train de m’endormir, hop! Elle ressort son foutu machin. Ça a refait les mêmes bip-bip que la fois d’avant mais finalement ça devait pas être si bien que ça, vu qu’après ce qui m’a semblé être une longue conversation avec elle-même, elle a fini par se coucher dans l’autre sens, non sans avoir rapatrié toutes ses affaires autour d’elle pour faire une sorte d’igloo. Sûrement pour se protéger des radiations. Je l’ai plus jamais revue, mais le lendemain j’ai trouvé un papier sur mon lit comme quoi elle était contente d’avoir fait ma connaissance mais qu’elle ne pouvait pas rester dormir dans cet hôtel. Et que si je voulais je pouvais l’ajouter sur Facebook. Un indice pour vous qui jouez à la maison: je ne lui ai jamais adressé la parole. Au moins, elle a pas pissé dans mes chaussures, c’est déjà ça.

Bref. Je me disperse, mais c’est un post Roger, la même donc c’est un peu l’esprit. Pour revenir à mes moutons: c’est décidé, demain je quitte Montezuma, mais je reste au Costa Rica. J’ai entendu dire que pas si loin que ça, dans la montagne, il y a un endroit pas mal avec une forêt tropicale d’un autre type - d’après mon expérience, les gens de la montagne sont toujours plus cool que ceux de la côte. Ça vaut le coup d’aller voir… et si ça marche pas, je pourrai toujours aller ailleurs, pas vrai? C’est ça, la liberté…

Have it your way… and take it easy, Dude. (The Big Lebowski)


PS: Pura vida , c’est le slogan officiel du Costa Rica, censé montrer ô combien la vie et les gens sont cool dans le pays. Ce qui est rigolo c’est que les gens le disent vraiment, et que j’ai pas encore réussi à décider si je trouvais ça amusant ou ridicule. Dans une discussion ça donne à peu près ça:

  • Moi (en espagnol): Bonjour monsieur.
  • Tico: Hola amigo, pura vida! What do you want?
  • Moi (en espagnol): Je voudrais un ticket de bus pour Quepos s’il vous plaît. (grmbl je suis pas ton ami d’abord)
  • Tico (en anglais): Ah Quepos, c’est un chouette endroit. Tu vas aller au parc Manuel Antonio? Pura vida!
  • Moi (en espagnol): Euh oui, peut être, je sais pas encore…
  • Tico (en anglais): Ah mais tu parles espagnol! Pura vida!
  • Moi (en ramassant ma monnaie): ……. (grmbl non non je tente des sons au hasard et il se trouve que tu me comprends, c’est quand même un sacré coup de chance)

Enfin voilà. Pura vida, quoi!